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D’UNE COCODETTE


longtemps, de me faire passer quelques années dans une de ces maisons spécialement affectées à l’éducation des jeunes personnes de bonne famille, comme on en trouve dans toutes les capitales de l’Europe, et surtout à Paris. »

À cela, mon père répondait habituellement « que l’idée n’était pas mauvaise, mais qu’il était bien tard pour l’adopter, que j’avais seize ans et qu’il faudrait bientôt songer à me marier. »

Le Gobert, à qui personne, même maman, du moins devant moi, n’avait demandé son avis, découvrait alors imprudemment son jeu et se hâtait de dire que, selon lui, il n’était jamais trop tard pour adopter une idée jugée bonne, qu’il était imprudent d’ailleurs de marier une jeune hile avant qu’elle eût au moins vingt ans accomplis.

— Pourquoi pas quarante ans ! ripostai-je un jour avec une naïve indignation.

— Aimée, me dit sévèrement mon père, tu viens de laisser échapper une belle occasion de ne pas parler.

Si les choses avaient dû se passer en discussions, je n’aurais eu que peu d’inquiétudes. Malheureusement, ma mère avait toujours eu une préférence marquée pour l’action. J’ai déjà dit qu’elle accablait mon père de démonstrations de tendresse. Chaque fois que je la voyais l’embrasser ou lui dire des flatteries, je me sentais frémir jusque dans la moelle des os. Un matin, comme