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SOUVENIRS


et en avait tout bonnement pris son parti. Cette année, nous n’attendîmes pas l’époque des vacances, comme d’habitude, pour aller nous installer à la campagne.

Ma mère ne cessait de se plaindre de la fatigue que lui causait sa grossesse.

On aurait juré, à l’entendre, que c’était la première fois qu’elle se trouvait dans une situation intéressante.

Un peu de fausse honte s’ajoutait à ses maux, vrais ou supposés, pour l’engager à quitter Paris. Il fut donc décidé qu’elle ferait ses couches dans notre château de Galardon, où s’était écoulée la plus grande partie de mon enfance. Nous partîmes vers la fin de l’été. Monsieur Gobert et mes deux tantes paternelles étaient du voyage. Je n’ai jamais eu les goûts bucoliques ; néanmoins, cette fois, ce ne fut pas sans un très vif plaisir que je me retrouvai dans le vieux château féodal, entouré d’eaux vives. Toute mauvaise pensée à part, mon couvent me manquait un peu, par moments. Je regrettais mes études musicales et, de même parfois, la société de mes compagnes. Mon père, qui, en sa qualité de naturaliste, adorait les champs, me promenait souvent dans le parc, me faisant admirer la hauteur et la beauté des sapins centenaires.

Et puis, il me menait visiter le verger qu’il avait créé et qui était rempli des arbres fruitiers