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Page:E. Geoffroy Saint-Hilaire - Fragments sur la structure et les usages des glandes mammaires des cétacés - 1834.djvu/67

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VUES GÉNÉRALES.

formé avec presque rien, ou du moins avec des particules, à négliger comme insignifiantes, et avec lesquelles notre esprit et d’abord nos yeux ne se sont que trop jusqu’à présent familiarisés.

    tivité des esprits. La science en progrès, cherche une plus haute solution, en se proposant la découverte d’idées générales et philosophiques. Cependant chacun s’avance dans la nouvelle voie d’une manière bien diverse ; les uns n’y sont encore qu’au début et d’autres s’y trouvent engagés davantage ; il est tout naturel de retenir plus ou moins des habitudes ou des erremens du passé. Or, ceci mérite attention.

    Expliquons-nous par un exemple. Je revenais d’Égypte vers 1800, et, entr’autres objets d’histoire naturelle que j’en avais rapportés, figurait un poisson nouveau, très extraordinaire et remarquable en effet par un grand nombre de nageoires dorsales, par ses nageoires pectorales et ventrales portées à la suite de pédicules ou de membres articulés, par sa peau semi-osseuse, par des perforations anomales à travers le crâne, etc., etc. J’ai introduit cette singulière espèce dans nos recueils icthyologiques sous le nom de Polyptère bichir. La très vive impression qu’à la vue de ce poisson notre illustre chef d’école, le baron Cuvier, en éprouva, m’est restée dans l’esprit et me parait mériter d’être citée sous ce point de vue qu’elle donne l’expression des idées zoologiques d’alors. Suivant Cuvier, c’était une si singulière manifestation des écarts d’un type classique, que le bonheur de cette découverte devait être mis en balance et dédommager de toutes les fatigues d’un périlleux voyage : cette découverte, ajoutait-il, ne manquera pas de retentir très loin dans les souvenirs des naturalistes.

    Ce n’était alors qu’un instinct d’admiration pour les cas différentiels, les seules considérations en honneur vers 1800. Rien ne portait alors à soupçonner l’attrait des études actuelles, car rien ne préparait encore à notre magnifique enseignement des rapports philosophiques. Seulement l’étude attentive des faits portait déjà au sentiment vague d’un certain accord, d’une sorte d’unité dans l’organisation, d’où l’on se complaisait au spectacle des plus forts écarts, ou, comme on les nommait alors, des plus étranges anomalies. Mais aujourd’hui le progrès de la science a rendu avéré et presque vulgaire, qu’il n’y a plus, philosophiquement parlant, qu’un seul animal modifié par quelques retranchemens ou par de simples changemens