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LIVRE III.

refrain, écho des beaux jours, amorti par la ramée :

Tout est divin !
L’amour commence !
Puis vient la fin :
Douleur immense !

Merlin, en cherchant d’où partaient ces voix connues, découvrit, assis sur l’herbe neuve, à l’ombre de chênes aussi vieux que la terre, ces mêmes groupes radieux de personnages qu’il avait rencontrés à la première heure de la félicité. Le front ceint de guirlandes d’églantines et de narcisses, ils semblaient vivre dans l’attente de quelque grand événement.

Le soleil, voilé par les feuilles, se jouait à leurs pieds en mille réseaux d’ombre et de lumière.

« Ah ! s’écria Merlin, le voilà donc ce peuple mélodieux qui avait disparu trop vite à mon gré ! Je le retrouve. Il n’a, ce me semble, ni faim, ni soif, ni aucun des soucis de la terre. Oui, voilà ceux que je cherche et dont je voudrais être le souverain.

— Tu le seras, reprit Viviane ; ils sont faits pour aimer toujours. C’est là le peuple ailé, harmonieux, que les poëtes, artisans de mensonges, prétendront avoir inventé, parce qu’ils lui prêteront peut-être quelques draperies pour se couvrir en sortant de ces forêts. »

À la vue de Viviane, les femmes se levèrent et lui firent fête comme à leur reine. Mais une vive rougeur colora leur visage quand Merlin leur adressa la parole. Leur beauté incomparable s’en accrut à tel point que