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MERLIN L’ENCHANTEUR.

— Je ne sais ce que je dois craindre ou désirer.

— Comme moi ! Allons, enfant prodigue, embrassons-nous !

— Pas encore.

— Crois-moi donc !

— Je ne puis croire.

— C’est cela ! comme moi, te dis-je, comme nous tous, ici ! Fie-toi pourtant à l’évidence.

— Je doute encore.

— Justement. Voilà le trait de ma famille : Douter ! Ouvre cependant les yeux.

— Je ne vois que ténèbres.

— Bien dit ! Le voilà enfin mon fils, ce grand signe, les ténèbres : à cela reconnais ton vieux père !

— S’il en est ainsi, mon père, convertissez-vous.

— Il est trop tôt, mon fils.

— Tourne sur lui tes yeux, Viviane, tu le vaincras d’un regard. »

En prononçant ces paroles, Merlin sentit s’émouvoir ses entrailles de fils pour un si grand pécheur. Il allait mettre sa main dans celle qui lui était présentée ; et, sans doute, c’était fait de mon héros, quand Viviane le sauva.

« Fuyons, dit-elle, sa méchanceté l’emporte sur mon pouvoir. »

À ces mots elle entraîne le prophète. Il la suit, mais non pas sans douleur ; plus d’une fois il tourne la tête en arrière. Les maux qu’il a vus l’accompagnent et pèsent encore sur lui ; l’angoisse, le déchirement aug-