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MERLIN L’ENCHANTEUR.

resplendissait dans le pâle crépuscule. Chaque fois qu’elle tournait la page du livre, le bruit s’en faisait entendre à travers l’abîme. Tous tressaillaient en même temps.

Un peu plus loin, le pèlerin arriva à l’endroit où s’étend une vaste mer dont les flots immobiles ne sont jamais soulevés en aucune saison, par aucune tempête, ni effleurés par aucune brise ; si bien que l’on prendrait cet Océan pour la terre ferme, si son lit n’était pas azuré. Au bord du golfe, marchaient à côté l’un de l’autre deux âmes qui semblaient être de la même famille et parler la même langue, tant elles conversaient familièrement entre elles et sans aucune défiance. L’une était voilée, l’autre parlait à visage découvert. La première semblait chercher un passage que la seconde ne pouvait lui montrer ; elles regardaient tour à tour le ciel et l’eau ; toutes deux laissaient voir leur tristesse de sentir en elles un si grand désir, avec une si grande impuissance.

Quand le prophète vint à passer, l’âme qui était la plus inquiète marcha au-devant de lui ; et comme si elle eut continué l’entretien commencé : « M’enseigneras tu le chemin ? dit-elle, en montrant l’Océan.

— Quel chemin ? répondit le prophète. Parle ! que cherches-tu ?

— Un monde. »

Alors s’approchant de cette âme, il vit qu’elle était voilée ; il lui dit : « Il y a assez de ténèbres ici, sans y joindre le linceul replié sur ton front. »

Celui à qui il parlait écarta de la main droite le man-