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MERLIN L’ENCHANTEUR.

Ne sentaient-ils pas croître en eux l’homme sous l’homoncule ? Sur leurs visages on lisait d’avance les jours futurs.

Il parla, avec la force que peut donner la conviction, de la splendeur des choses qui sont par delà le berceau.

Les âmes aveugles répliquèrent :

« Vous êtes barde et poëte, Merlin ; vous vivez de fantaisies dorées. Pour nous, qui n’avons pas vos ailes, il nous faut des raisons. Quelqu’un est-il jamais revenu de ce prétendu monde des vivants ? Jusque-là nous l’appellerons le monde des rêves. »

Plus attristé qu’indigné, Merlin invoqua son propre témoignage. N’était-ce donc rien que l’expérience ?

« Voyez, disait-il, aveugles que vous êtes ! Venez, approchez, touchez-moi. Ce bâton de coudrier je l’ai coupé en Bretagne, sur la terre des vivants. J’en arrive, vous dis-je. En voici la poussière encore blanche à mes pieds. Que vous faut-il de plus ? De grâce, amis, frères, ne vous fermez pas l’avenir par vanité. Croyez à la vie au moins par complaisance ; sinon vous resterez ici vains, légers, sans renommée, germes égarés, semés dans la mort. »

À ces discours accompagnés de prières et même de quelques pleurs, les esprits, endurcis par la contradiction même, se contentèrent de murmurer à l’envi :

« Visions que tout cela, Merlin ! Ce n’est pas nous que l’on abuse. Nous sommes des larves sérieuses. Encore un coup, nous le savons ; il n’y a rien par delà les