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MERLIN L’ENCHANTEUR.

— Que ne puis-je au moins, murmura René, converser aujourd’hui avec les hommes ?

— Sois heureux de converser avec les larves ; elles semblent t’honorer. Les hommes de mon temps sont descendus trop loin de tes cimes. Ils ne pourraient le comprendre. »

Ces mots rempliront de la mélancolie des sages celui que le prophète avait appelé René. Il eût voulut demander si, après les limbes, il fallait donc traverser encore d’autres limbes, si le noviciat des ténèbres serait bientôt achevé et quand viendrait enfin la vraie renaissance, non plus dans un crépuscule incertain et mensonger, mais dans la splendeur et dans la plénitude du soleil éternel.

Déjà, s’armant de courage, il allait ouvrir la bouche, lorsqu’un chœur de larves se fit entendre dans la campagne. Le maître en les entendant, le retint d’un signe de la main et lui dit :

« Âme inquiète, les as-tu entendues ? Viens avec moi à la rencontre de ceux qui chantent avec tant de douceur le Gloria in excelsis Deo. »

René le suivit, et il regardait derrière lui un esprit qui tenait une coupe à la main et marchait enivré, mais non pas de vin.

« C’est mon disciple, dit-il. Irai-je l’éveiller pour qu’il vienne avec nous ?

— Non, répondit le prophète. De vous tous qui habitez ces lieux, c’est l’âme la plus sereine et la seule à qui je porte envie. Je le connais, il n’a besoin de per-