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LIVRE VI.

boisé le conducteur des esprits. Celui qui devait être un jour saint Bernard lui dit :

« Tu ne ressembles à aucun de nous, car tu as déjà revêtu un corps et tu parais connaître la vie pour l’avoir éprouvée. Sans doute tu es un messager de la divine Sion et tu nous apportes des nouvelles de la croix. Pourquoi reviens-tu en arrière comme ceux-ci qui ne font que balbutier. Pourquoi ont-ils fui sitôt le jour ? Qui les a fait si pâles ?

— Ils sont morts, répondit le prophète.

— Qu’est-ce que la mort ? reprit la foule, qui, sans savoir pourquoi, commença à frissonner. » Et ce mot fut bientôt sur les lèvres de tous ceux qui peuplaient les limbes. Une secrète inquiétude agita les âmes virginales ; le premier deuil s’étendit parmi elles.

« Tu as vu le Seigneur aux portes de la vie, disaient-elles, et les roses de Sion parsemées sur le seuil !

— J’ai vu partout le tombeau à côté du berceau, répondit le pèlerin des trois mondes. Tous entraient et sortaient en pleurant et gémissant.

— La demeure de l’éternel amour est préparée dans la ville sans tache ; ne l’as-tu pas habitée ?

— J’ai vu les grincements de dents chez ceux qui parlent d’amour et le glaive dans leurs mains.

— Du moins les cieux demeurent.

— J’ai vu les cieux changer. Les dieux se flétrissaient comme les feuilles ; comme elles, ils jonchaient le parvis des portes éternelles. »

À ces mots, les âmes mystiques s’en allèrent confu-