Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur, 1860.djvu/272

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
260
MERLIN L’ENCHANTEUR.

MERLIN À VIVIANE.

« Quoi, Viviane, même cet anneau magique donné à la dernière heure et mon seul héritage, vous m’avez renvoyé tout ce que vous avez de moi ! Qu’ai-je donc fait, sinon de vous avoir trop aimée ? C’est bien, Viviane ; ni amour, ni amitié, ni humanité, ni pitié ! Va, je te pardonne ; je me suis trompé, ton cœur n’est pas méchant ! il n’est qu’impuissant ! Me voilà donc maintenant seul au monde, sans que je sache pourquoi ; et personne ne me dira ce que tu deviens. Le dernier ver de terre est moins misérable, moins abandonné que moi. Je souffre de l’eau que je bois, de l’air que je respire. Vienne donc la tempête ! Elle sera moins implacable que vous ! »

IV

Après cette lettre qui resta sans réponse, Merlin erra tristement sur la mer du Nord, battu de la tempête qu’il venait imprudemment de soulever. Son vaisseau de cristal échoua en Flandres, sans se briser. Il talonna toute une nuit au large et, à la marée montante, fit côte sur la plage basse, nue, éternellement retentissante, que ferme la dune d’Ostende à Anvers.

« Sauvez-moi ! cria Jacques, ou je péris ! » Déjà Mer-