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LIVRE IX.

« Turpin, lui dit-il, ton nom sera fameux entre tous les siècles ; car c’est par toi qu’ont été préservés les ouvrages des plus grands enchanteurs qui aient vécu avant nous. Sans doute ils eussent résisté à l’incendie, traversé les flammes, échappé à la rage de ceux que l’envie acharnait à les détruire. Mais tu n’as pas moins agi sagement de leur épargner cette épreuve ; et tant qu’il y aura des enchanteurs dans ce monde ta mémoire sera honorée parmi eux, quand même il me paraît que tu as quelquefois mêlé ton écriture à la leur, ce qui certes était une véritable profanation.

— Cela est vrai, répondit Turpin. Je m’en accuse. Mais ce fut lorsque le parchemin me manqua et que la main me démangea d’écrire. D’ailleurs, je ne savais pas que ce fussent les œuvres des enchanteurs.

— Ce sont leurs œuvres, à telles enseignes que leurs noms sont écrits en toutes lettres. Voici le plus ancien de tous et le plus puissant de notre famille, l’enchanteur Homère, dont la magie n’a pas été surpassée et dont moi seul, à cette heure, je me rappelle le nom. Regarde cette écriture qui brille comme autant de fleurs émaillées. Lui seul a possédé ce genre d’écrire. Beaucoup l’ont imité, qui n’ont pu l’égaler.

« Ici dans ces lettres onciales, voici l’un de nos frères, l’enchanteur Virgile, moins grand que le premier, mais dont le monde a conservé pourtant un vague souvenir, comme d’une ombre qui achève de chanter. Il était temps qu’il reparût sur la terre ; car il sait tirer des larmes, même des choses qui n’ont aucun sentiment, et,