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LIVRE I.

J’étais en Afrique avant la fondation de Rome, et je me suis abrité dans ce qui reste de Troie. Je couvris Moïse de l’eau du Jourdain. J’ai été avec mon Seigneur dans la crèche. J’ai souffert la faim pour le fils de la Vierge. J’ai été un barde joueur de harpe sur la blanche montagne. Je me suis assis sur le trône blanc de l’écliptique, et maintenant je suis Taliesin ! »

À ces mots, le vieillard rendit l’âme. Merlin l’ensevelit de ses mains sous d’immenses pierres moussues, que douze hommes de nos jours ne pourraient remuer. J’ai vu souvent ce tombeau, lorsque, dans ma jeunesse, j’allais, moi aussi, lire des livres enchantés, en des jours enchantés, sur la colline, que l’on appelle encore aujourd’hui la Corne d’Arthus, à cause d’un débris de vieux mur qui la couronne. L’immense forêt a disparu. Du moins la hache a respecté les sapins éplorés sur le sépulcre.

VIII

C’était peu que les vingt-cinq mille vers des Triades. Merlin, en cela, fils de son père, apprit par cœur tout Virgile, et la Sibylle ; à quoi il joignit les Pères de l’Église, dont il trouva la collection chez un ermite confesseur de sa mère, nommé Blasius ; mêlant ainsi, sans choix ni prudence, profane et sacré, païens et chrétiens, dolmens et chapelles, adorant tout, déifiant tout, men-