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LIVRE X.

pompe, d’autant mieux que les peuples aiment à être frappés par le merveilleux ; et même un peu de duperie est loin de leur déplaire à l’origine des choses.

En se privant de ces moyens de succès, il s’exposait à être méconnu même des meilleurs. Mais, si l’on a compris notre héros, on a dû voir qu’il préfère à tout la simplicité, bien que le contraire lui ait été fort reproché ; et il avait principalement horreur du charlatanisme. Voilà pourquoi, contrairement à la plupart des hommes de son art, il n’employait jamais le merveilleux et le surnaturel qu’à la dernière extrémité.

C’est par l’âme qu’il faisait ses prodiges. Il se riait (c’était là son tort) des baguettes enchantées, des bonnets de nécromants, des chaudières magiques, des manches à balais, même des chars ailés de Médée, des langues de chat-huant, des dents de crapaud, héritage des autres enchanteurs, en un mot, de tout ce qui n’était qu’apparence extérieure, masques, habits, métier, routine.

Erreur capitale, la plus grande de sa vie, dont il s’aperçut, hélas ! lorsqu’il était trop tard pour s’en corriger. Que lui servit alors de savoir que c’était précisément ce masque qui gouverne les hommes !

Il s’ensuivit que Merlin préféra à tous les monstres de l’Apocalypse le moyen le plus naturel, l’équipage le plus simple ; il descendit les Alpes à la ramasse. Des flèches et de l’arc de Turpin, entrelacés de quelques branches d’osier et de rhododendrons, les trois voyageurs formèrent une claie grossière. Merlin et Turpin s’y assi-