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LIVRE X.

« Merlin ! Merlin ! » crie une voix qui sort des antres ; et tout redevient silence.

En proie à mille pressentiments, il ordonne à ses deux compagnons de le précéder à Taglia-Pietra. Pour lui, seul, il se dirige à grands pas vers l’endroit où son nom a retenti. Il arrive. À l’angle du rocher, ses yeux sont éblouis par les flammes folles qui courent sur des sillons de cendres. Une forme étrange est là ! Un homme assis (est-ce vraiment un homme ?) se lève en sursaut à son approche :

« Ne renie pas ton père, dit l’incube. Oui, c’est bien moi, Satan, Bélial ou Belzebuth, comme tu voudras m’appeler, car moi aussi je suis triple en un seul et j’ai les trois couronnes. Je règne dans la nuit et je veux bien encore t’initier à l’empire grandissant des ténèbres. Tu le vois, je me fais vieux, ajouta-t-il d’une voix cassée. Te voilà en âge de me soulager, mais il est urgent de prendre un parti. Assez de folies, Merlin ! il est temps d’être sage. »

Disant cela, il creusait de son pied la terre d’où sortait un feu follet. Son visage composé passait de la menace au sourire. Avec la ferme intention de faire sentir à Merlin le joug de l’autorité paternelle, il craignait de le terrifier, et il conservait au dehors je ne sais quelle bonhomie plus hideuse cent fois que tous les éclats de sa fureur.

Dès les premiers mots, Merlin reconnut le cavalier qu’il avait si longtemps honoré comme un père. Nul doute possible. C’était bien là le roi des ténèbres, tel