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MERLIN L’ENCHANTEUR.

IV

Pendant ce temps-là, que devenait Jacques au milieu de la foule ? Il se trouvait indigne de vivre, quoiqu’un reste de vanité l’empêchât d’en convenir. Tristement et machinalement, sans dire où il allait, sans prendre congé de personne, agité, bourrelé, oubliant et César et le pape, ne demandant pas même le chemin le plus court, il se mit à la suite de son maître ; mais, après l’avoir retrouvé, il n’osait l’aborder, encore moins lui adresser la parole. Tous deux, marchant à quelques intervalles, autour de la ville, gardaient le même silence.

Merlin eut la magnanimité de ne vouloir pas humilier son serviteur en présence du monde et même d’un gnome. Mais quand après avoir dépassé Saint-Paul-hors-des-Murs, il fut certain de ne pouvoir être entendu de personne du peuple, après avoir éconduit les cigales curieuses, écarté les roseaux, il s’arrêta à l’endroit le plus solitaire de la campagne, et dit tout bas, craignant que la terre ne l’entendît :

« Qu’avez-vous fait, Jacques ! Vous avez été bien prompt à me renier aujourd’hui. Ah ! que vous êtes faible, mon ami ! Vous vouliez donc, moi aussi, me crucifier dans Rome !

— Miséricorde !

— Attendez, mon ami ; je croyais votre éducation