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LIVRE XII.

médiocrité humaine. « L’infini, poursuivait-il, est tout aussi bien dans une goutte de rosée que dans l’ample sein de l’océan d’Homère. »

Ceci mit fin aux jalousies, aux ressentiments, aux paroles amères des divinités détrônées ; et, de ce jour, chacun fit consister son ambition à tenir le moins de place possible dans le monde. Rien ne semblait plus divin que d’être imperceptible. Neptune, prenant le premier à la lettre le mot de Merlin, voulut régner sur les tempêtes dans une gouttelette de pluie. Jupiter se creusa son ciel d’airain dans la coupelle d’un gland. Vénus Aphrodite se fit un attelage de deux cerfs-volants. Pallas Athénée, l’ouvrière aux yeux glauques, se fit un bouclier de l’ombelle d’une marguerite des prés, une égide de la cuirasse abandonnée d’un grillon ; elle déroba l’aiguillon d’une abeille et s’en fit un fer de lance, qu’elle eut soin de brandir, au bout d’un brin d’aubépine. La plupart des chars étaient construits d’une coquille de nacre. Quant aux rênes, elles étaient argentées et fabriquées d’un fil automnal, tendu sur les buissons ; le reste à l’avenant.

Les corps étaient petits, l’esprit restait infini. Il en fallait beaucoup pour s’accommoder d’un si grand changement de fortune. Il y avait des dieux qui se faisaient si petits, qu’aucun œil humain ne les apercevait plus ; il fallait les deviner, et ceux-là étaient les plus fiers.

Nouvelle ambition que Merlin fut obligé de réprimer. « Il n’est pas mal, après tout, disait-il, qu’un dieu se