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LIVRE II.

vierges où n’a point encore chevauché le grand Arthus. La reine Genièvre ne s’est pas assise une seule fois au bord de ce fleuve indolent. Que se passe-t-il sous ces ombres épaisses, où j’entends les éphémères bourdonner, et les pics-verts frapper les troncs des arbres ? J’aime cette terre plus que toute autre. Je voudrais y voir un peuple heureux soumis au roi de la justice.

— N’as-tu pas en toi la puissance des enchantements ? dit Viviane.

— Ah ! si j’ai cette puissance, voici le moment de l’éprouver. Je bénis cette terre, où tes pieds reposent, cet endroit où tu me souris ; je bénis ce fleuve qui réfléchit ton visage ; je bénis ces bords et les landes inconnues que personne n’a visitées. Mais une si profonde solitude m’attriste ; cette terre appelle les hommes. Que faire pour les y rassembler ?

— Le désirer, dit Viviane.

— Par mon amour, je le veux, s’écria Merlin.

— Qu’il soit donc fait selon ta volonté ! »

VI

Le lendemain, dès l’aube, Merlin, encore à demi assoupi, entendit comme le bourdonnement d’un essaim ; il pensa que c’étaient les éphémères qui s’éveillaient dans le jardin. Mais le bruit ne faisant qu’aug-