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MERLIN L’ENCHANTEUR.

« C’est du tombeau que viennent aujourd’hui les bonnes nouvelles. Je contemple ici les formes sereines dans les yeux de ma bien-aimée. Je parcours avec elle les profondes forêts pleines de la senteur des chênes. Je lis dans les veines des métaux le livre emparadisé de l’éternelle sagesse. J’habite la tour merveilleuse du Roi des Enchanteurs.

« Qu’ils entendent ceci Dieu et l’homme ! Qu’ils entendent clairement ceci le jeune homme et le vieillard. J’ai choisi le silence, le monde a choisi le tumulte, j’ai choisi la justice, et le monde, l’iniquité. J’ai préféré la liberté, le monde a préféré l’esclavage. J’ai aimé la lumière, et le monde les ténèbres. J’ai aimé la vérité, et lui, le mensonge. Il est juste, il est bon, il est sage que nous habitions aux deux bords opposés ; lui dans ce qu’il appelle la fête, moi dans ce qu’il appelle le deuil, lui dans ce qu’il nomme la vie, moi dans ce qu’il nomme la mort.

« Dans cette tour, je ne crains point l’embûche des hommes de nuit qu’enivre l’hydromel. Je vois au loin leur armée qui se rassemble et qui se disperse, comme la brume menteuse sur mon seuil. Ni les lances azurées, ni les glaives bleuâtres, ni les flèches empoisonnées ne me perceront ici. Ma haute tour est bâtie sur le roc de la justice. Qui pourra l’ébranler ?

« Comme vaines vapeurs qui se promènent sur les ruines, se rangent autour de moi les générations ! Ah ! que le regard du matin les a vite dissipées !

« Poussière d’un jour, vous disiez : « L’enchanteur a