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LIVRE XXII.

granit, avec prédilection, par la propre main de Merlin qui dessina, en outre, de grands masques dans les chapiteaux ornementés des piliers, pour mieux donner l’idée des personnages. C’est là que Molière les a retrouvés tout parlants ; et il ne s’est donné la peine d’y rien changer, à l’exception des noms et de quelques costumes, pour mieux déguiser le larcin.

Au reste, il ne fallait rien de moins que l’expérience de notre enchanteur pour dévoiler les secrets que les hommes savent cacher le mieux. Tout autre y eût certainement échoué ; et même sans l’huile qu’il renouvela plus de trois fois à la lampe merveilleuse, il lui eût été probablement impossible de lire, comme il l’a fait, au fond des cœurs ; tant ils étaient naturellement remplis d’ombre et de duplicité !

Cependant Viviane devenait rêveuse. Il eut peur de devenir trop sérieux ; il la délassa par des œuvres plus légères, d’un tour frivole, parmi lesquelles les contes de fées, Zadig, qu’il grava une fois sur un camée de Viviane. Quoi, Zadig ! Oui, Zadig ! N’ai-je pas dit que Merlin était fils de l’Incube ? Comment son génie n’aurait-il rien gardé du sang paternel ? C’est ici que sa généalogie se trahit avec évidence. Même, dit-on, il emprunta plus tard la griffe de son père pour écrire Candide.

Admirez, en cet endroit, la modestie de mon héros, lequel ne chercha jamais sa récompense ailleurs que dans les yeux de la bien-aimée de son cœur. Il fit, avons-nous dit, toutes ces œuvres dans l’ombre, et en laissa