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LIVRE XXIV.

écrite par l’éternel désespoir. Mais il ne savait si cela était en sa puissance, et il hésitait. « Laisse-moi faire, enfant, ces portes me connaissent. » Et le Maudit les souleva sur ses épaules. Après les avoir arrachées de leurs gonds, il les précipita au fond de l’étang des pleurs. Un peu plus loin, il aperçut des brandons qui se rallumaient ; il les éteignit sous son pied-bot. On entendit un soupir immense au fond des gouffres.

« C’est le dernier râle de l’enfer, écoutons. »

Puis, après une pause :

« Encore une fois, Merlin, moi, moi seul, j’ai détruit l’enfer. Mon châtiment, c’est moi qui me l’inflige.

— J’en suis témoin.

— Moi seul, j’ai délivré le monde de ce qui faisait sa terreur ; et le monde m’en raillera. Je m’en repens déjà, comme d’un suicide ; mais le mal que j’ai détruit, je peux encore le refaire.

— Ne vous repentez pas, mon père. Par tout ce que je vois, le temps de la réconciliation est arrivé. Le plus beau jour de ma vie sera celui où je l’annoncerai au monde.

— Tout beau, mon fils. Voilà précisément ce qui me coûte le plus. J’ai bien pu renverser l’enfer. Mais en faire l’aveu au monde, est vraiment au-dessus de mes forces.

— Ce sera la cérémonie la plus simple.

— Au moins, ne convoque pas, comme tu en as trop l’habitude, les mondes, les sphères, les comètes, et (que sais-je ?) la voie lactée pour témoin. Si la chose doit se