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MERLIN L’ENCHANTEUR.

P. S. En finissant, Viviane, tu entasses, selon la coutume, à propos de tout ce que tu rencontres, questions sur questions, au risque de les brouiller entre elles. Je te satisferai au moins sur les principales.

Tu demandes pourquoi les monts neigeux rougissent d’une clarté mystérieuse au déclin du jour ? pourquoi le soir pose une couronne d’or et de pourpre sur la tête blanchie du grand vieillard des Alpes ? pourquoi le reste de la terre est dans l’ombre, lorsque le Titlis étincelle encore des diamants attachés à son front ?

Si tu t’étais souvenue de mes leçons, tu te serais déjà répondu à toi-même :

« C’est ainsi que la vérité met un charme dans les cheveux blancs du sage. Lorsque tout est ténèbres autour de lui, elle couronne sa tête des splendeurs d’une aurore invisible. Plein de jours, il sourit à l’approche de la nuit qui enfante le jour nouveau. »

Pourquoi, dis-tu, le fleuve se précipite-t-il, dans ses cataractes, avec tant de furie ? Pourquoi convoite-t-il l’abîme ? Pourquoi, aussitôt après sa chute, ne se rappelle-t-il plus sa colère ? Calmé entre ses deux rives de verdure, pourquoi a-t-il si vite oublié le gouffre ?

Réponse. — Le fleuve se précipite pour donner cette leçon au sage : « Si la colère te saisit à l’approche des méchants, qu’elle ne dure qu’un moment. Si tu es précipité dans l’abîme, recueille-toi dans la paix. Qu’aucun signe ne rappelle que tu as traversé les cataractes du mal ! »