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LIVRE XIV.

s’épanouissaient de plaisir. Mais ses forces s’épuisent ; il se retire, plein de douleur ; car il entend un sourd ricanement qui s’élève du milieu de l’assemblée.

Tandis qu’il va cacher sa honte, Polictète, duc de Bithynie, grimpe au faîte de la colonne. Comme un berger poursuivi par des loups furieux sortis de l’Hémus, monte de branches en branches, au sommet d’un chêne noueux, d’où il brave les gueules béantes et les crocs ensanglantés de la meute, de même le duc de Bithynie dominait l’assemblée. Il commença lentement à démolir l’édifice, pièce-à-pièce ; chacun admirait ou enviait sa bonne grâce, pendant qu’il détachait les pierres l’une après l’autre. Bientôt il eut fait disparaître l’orgueil du temple. Un immense applaudissement s’éleva de toutes parts. Il reçut en récompense une couronne de feuilles mortes et une momie de tortue artistement enluminée que Pandrasus, roi d’Égypte, avait apportées des bords du Nil.

L’émotion venait à peine de se calmer. Un héraut proposa la question suivante à la foule :

« Quel est le moyen le plus sûr de faire d’une cité ou d’un État la demeure des loups et des renards ? »

Sitôt que ces paroles furent prononcées, presque tous se levèrent précipitamment pour disputer le prix.

Comme on voit dans l’automne, en Bourgogne ou en Bresse, une bande de corbeaux, de sansonnets ou de pinsons posés sur la terre humide ou sur les buissons déjà dépouillés de baies et de mûres, si l’un d’eux, perché à l’écart, pousse un cri, tous aussitôt partent d’une