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MERLIN L’ENCHANTEUR.

demain une ville. Où il n’y avait qu’une ville, vous trouvez le jour d’après un empire.

— Quel scandale ! et cet état de choses le satisfait ! il le tolère ! Le moyen d’avoir rien de commun avec un royaume semblable ! Ce doit être un beau désordre !

— La postérité en jugera !

— La postérité, dites-vous ? Nous l’empêcherons de naître. »

En signe d’assentiment, la foule pencha la tête, et l’on entendait chacun dire à son voisin :

« Un empire sans ruines !

— Vous figurez-vous cela, je vous prie ?

— Mais, de grâce, où siège donc cet étrange monarque ? »

Tout semblait rompu sur ces paroles, et les cœurs allaient de plus en plus s’aigrissant, quand les filles d’Épistrophius s’approchèrent de Merlin. Elles s’appelaient Euphrosine, Théone et Thaïs. Toutes trois avaient brillé dans les danses qui avaient servi d’intermèdes aux jeux. La plus âgée, Euphrosine (c’était aussi la plus sérieuse), ne paraissait pas avoir dix-huit ans :

« Avant de nous quitter, dit-elle à Merlin, parlez-nous, seigneur, des jeunes gens de la cour d’Arthus. Passent-ils leur temps, comme les fils des esprits des ruines, à sommeiller dans les champs de bruyères ? Sont-ils indifférents comme eux ? N’ont-ils des yeux et des oreilles que pour les hiboux et les renards auxquels ils ne font pas même la chasse ? Enfin, consument-ils leurs jours dans la plus maussade apathie, sans rien