Le matin, dans le train de Constantine.
Les prunelles élargies par la joie et une sorte d’étonnement, Amara regardait le pays qui défilait lentement sous nos yeux.
— Regarde, me dit-il tout à coup, regarde : voilà du blé… Et ça, là-bas, c’est un champ d’orge… Oh, regarde, frère, les femmes musulmanes qui ramassent les pierres dans ce champ !
Il était en proie à une émotion intense. Ses membres tremblaient et, à la vue de ces céréales si aimées, si vénérées par le Bédouin, et de ces femmes de sa race, Amara se mit à pleurer, comme un enfant.
— Vis en paix comme tes ancêtres, lui dis-je. Tu auras la paix du cœur. Laisse les vengeances à Dieu.
— Si l’on ne peut se venger, on étouffe, on souffre. Il faut que je me venge de ceux qui m’ont fait tant de mal !
… À la gare de Constantine nous nous séparâmes en frères. Amara prit le chemin de Sétif pour regagner son douar.
Je ne l’ai plus revu.