Page:Eberhardt - Contes et paysages, 1925.pdf/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des mauvais lieux d’Alger ou de Constantine, qui trônaient insolemment à la popote, au cercle, même au bureau arabe, et qui exigeaient que les indigènes les plus respectables les saluassent, et que les hommes de troupe leur obéissent !

— Tout cela n’entache en rien l’honorabilité de ces officiers… Les négresses, ce ne sont que des servantes, des ménagères, voilà tout. Il ne faut pas prendre les choses au tragique. Quant aux Européennes, une liaison avec l’une d’elles n’a rien de répréhensible, et il est tout naturel que les indigènes, civils ou militaires, soient astreints vis-à-vis de Françaises au plus grand respect. Vous devez voir vous-même la différence qu’il y a entre les liaisons anodines de ces officiers et la vôtre, si excentrique, si préjudiciable à votre prestige.

— La mienne est assurément plus morale et plus humaine, mon capitaine.

— Enfin, je renonce à cette pénible discussion et, puisque vous voulez m’y forcer, je dois vous prévenir que, si vous ne modifiez pas entièrement votre manière de vivre et d’agir, si vous ne vous conformez pas aux usages dictés par la raison et par les besoins de l’occupation, je me verrai dans l’obligation, très désagréable pour moi, de demander à mes chefs que vous soyez relevé du poste.

Jacques connaissait le caractère sec et dur du capitaine, mais il n’eût jamais songé à cette éventualité, si terrible maintenant. Il rentra dans sa