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cause française votre système d’administration.

Le capitaine haussa les épaules :

— Chacun a ses idées, docteur… Après tout, vous êtes libre…

— Oui, je veux être libre !

Et Jacques partit.

Il attendit maintenant avec impatience l’ordre de quitter ce pays qu’il aimait tant, où il eût voulu rester, toujours.

Et, chose étrange, depuis qu’il savait qu’il allait partir, il semblait à Jacques qu’il avait déjà quitté le Souf, que cette ville et ce pays qui s’étendaient là, autour de lui, étaient une ville et un pays quelconques, n’importe lesquels, mais certes pas son Souf resplendissant et morne… Il regardait ce paysage familier avec la même sensation d’indifférence songeuse que l’on éprouve en regardant un port inconnu, où on n’est jamais allé, où on n’ira jamais, du pont d’un navire, lors d’une courte escale…

    

Au moyen d’un cadeau au chaouch, il put pénétrer pour un instant dans la cellule d’Embarka… Ce lui fut une nouvelle désillusion, une nouvelle rancœur : elle l’accueillit par un torrent de reproches amers, de larmes et de sanglots. Il ne l’aimait pas, lui, un officier qui pouvait tout, il l’avait laissé emprisonner, inscrire sur le registre…