Page:Eberhardt - Contes et paysages, 1925.pdf/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

inutilités morales s’accumulant de plus en plus autour de moi, on frappa.

C’était une jeune fille inconnue, petite et frêle, avec un pâle visage triste encadré de cheveux bruns et bouclés, coupés d’assez près.

Elle m’aborda en russe, avec un sourire doux :

— Je viens de la part du Comité de secours des étudiants russes. Je viens d’arriver de Russie pour terminer mes études médicales et suis sans aucunes ressources. On m’a dit que, comme secrétaire du Comité, vous pourriez vous occuper de me trouver un logement.

Dans ce petit monde très à part des étudiants russes, épris du rêve socialiste, ou de celui, plus vaste, de l’anarchie, il est une grande sincérité de convictions : le devoir social de l’aide mutuelle est envisagé franchement et comme une nécessité absolue de la vie. La fausse et inique honte du pauvre est anéantie, remplacée par le sentiment du droit absolu à la vie.

Chouchina m’adressa donc sa demande sans gêne ni réticences, simplement.

Je lui offris une chambrette attenante à la mienne et elle y restera jusqu’à la fin de ses études.

Elle est Sibérienne, fille de petits bourgeois d’Yénisseisk. Son but est de passer au plus vite son doctorat et de retourner là-bas, secourir ses frères, dont elle parle avec attendrissement.

Elle se reconnaît un très humble, un très obscur