Page:Eberhardt - Dans l’ombre chaude de l’Islam, 1921.djvu/238

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— Je ne l’ai pas vue. Des vieilles femmes d’El Oued m’en ont parlé… Telle est la destinée.

— Par la vérité du Koran auguste, tant que je vivrai jamais un vagabond n’aura ma fille !

Longuement Hama Srir regarda le vieillard.

— Ne jure pas les choses que tu ignores… Ne joue pas avec le faucon : il vole dans les nuages et regarde en face le soleil. Évite les larmes à tes yeux que Dieu fermera bientôt !

— J’ai juré.

Chouf Rabbi ! (Dieu verra) dit Hama Srir.

Et sans ajouter un mot, il partit.

Si Abdallah, indigné, entra dans sa maison et, s’adressant à Saâdia et à Emborka, il dit :

— Laquelle de vous deux, chiennes, a laissé voir son visage au vagabond ?

Les deux jeunes filles gardèrent le silence.

— Si Abdallah, répondit pour elles l’aïeule vénérée, le vagabond est venu le mois dernier se faire panser pour une morsure de « lefaâ ». Ma fille Tébberr, qui est âgée, m’a aidée. Le vagabond n’a vu aucune des filles de Tébberr. Nous sommes vieilles, le temps du hedjeb (retraite des femmes arabes) est passé pour nous. Nous avons soigné le vagabond dans le sentier de Dieu.

— Garde-les, et qu’elles ne sortent plus.

Saâdia, l’âme en deuil, continua pourtant à attendre, obstinément, le retour de Hama Srir, car elle savait que, si vraiment Dieu le lui avait