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Page:Eberhardt - Dans l’ombre chaude de l’Islam, 1921.djvu/328

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notes sur isabelle eberhardt

der quelques questions musulmanes qu’il n’avait pu comprendre. Je lui donnai satisfaction malgré le peu de loisir que j’avais alors. Une correspondance des plus régulières s’établit bientôt entre nous, et, quelques mois plus tard, invité par mon nouvel ami, je débarquais à Bône, où je demeurai trois jours avant de regagner Tunis.

« Je ne chercherai pas à décrire l’étonnement qui me saisit au débarcadère, lorsqu’au lieu de serrer la main d’un Mahmoud, je me trouvai en présence d’une jeune fille, très élégamment vêtue, que je saluai avec le plus grand respect.

« Elle me toisa un moment, hocha la tête, sourit et me dit d’un ton bien franc, sur une pointe de moquerie :

— « À croire ce qu’on m’avait dit de vous, je ne vous aurais jamais cru capable d’un aussi grand respect pour les préjugée.

« Malgré tout, je fus longtemps avant de m’habituer à l’idée de cette jeune et jolie fille délaissant, de parti pris, les douces prérogatives de son sexe pour courir des aventures devant lesquelles le plus hardi des hommes eût peut-être reculé ; et cette histoire me parut si étrange qu’en rentrant à l’Hôtel d’Orient où j’étais descendu, je me surpris à répéter toute une gamme exclamative.

« En quittant Bône je remportai un inoubliable souvenir de l’accueil charmant que m’avait réservé la famille d’Isabelle Eberhardt.

« Mon court séjour dans cette ville ne m’avait pas permis de pénétrer, comme je le désirais et comme plus tard je le pus, le mystère qui planait sur la vie d’Isabelle néanmoins il me semblait comprendre qu’elle avait beaucoup d’ennuis et qu’elle souffrait.

« Cette supposition fut confirmée par une série de longues épîtres qu’elle m’adressa à Tunis. »