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notes sur isabelle eberhardt

explique mes continuelles blagues et agaceries. L’un et l’autre, nous sommes peut-être malades. Nous souffrons parfois cruellement, mais nous ne voulons point de la compassion de nos pseudo semblables si dissemblables. »

— Remarquons encore un trait de franchise bien remarquable chez une jeune femme qui s’étudie, qui veut vivre, écrire, être enfin ce qu’elle doit être :

« Il y a en moi, dit-elle, des choses que je ne comprends pas encore ou que je ne fais que commencer à comprendre. Et ces mystères-là sont fort nombreux. Cependant je m’étudie de toutes mes forces, je dépense mon énergie pour mettre en pratique l’aphorisme stoïcien : « Connais-toi toi-même. » C’est une tâche difficile, attrayante et douloureuse. Ce qui me fait le plus de mal, c’est la prodigieuse mobilité de ma nature et l’instabilité vraiment désolante de mes états d’esprit, qui se succèdent les uns aux autres avec une rapidité inouïe. Cela me fait souffrir et je n’y connais d’autre remède que la contemplation muette de la nature, loin des hommes, face à face avec le grand Inconcevable, seul unique refuge des âmes en détresse. »

— Elle parle plus loin, dans la même correspondance, de « ce grand sphinx qui nous attire là-bas… ».

Après la mort de sa mère et celle de son tuteur, entre deux voyages à Tunis, Isabelle Eberhardt eut la curiosité de voir le Sahara en été. Son carnet de route, bref comme un itinéraire, va nous montrer ce que fut ce « raid » dans le désert.

Elle avait quitté Genève le 4 juin 1899, après la mort de son tuteur. Le 14, elle est à Tunis. Le 8 juillet, elle se met en route pour le Sud-Constantinois. Nous la trouvons à Timgad le 12 juillet, « déjeuner et sieste sous l’arc de Trajan », et deux jours après à Biskra.