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Page:Eberhardt - Dans l’ombre chaude de l’Islam, 1921.djvu/337

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notes sur isabelle eberhardt

Emportée par sa passion du Sud, Isabelle Eberhardt arrivait de nouveau à Eloued dans les premiers jours du mois d’août 1900. On trouve trace de son passage sur le registre de l’Hôtel de l’Oasis, de Touggourth, le 31 juillet 1900, à la même date qu’en 1899.

C’est alors que la vie saharienne la prit profondément. Elle sentit bientôt qu’elle se détachait de l’Europe, qu’elle allait devenir étrangère à elle-même, et fut presque et. frayée de la pente où elle glissait. La fin de l’année la trouva dans ces dispositions.

Elle écrivait à son frère :

« Tu ne saurais l’imaginer quelle plaie vive tu as touchée en moi, par tes questions au sujet de la littérature.

« Mon Dieu non, non, je n’ai pas oublié, mon cœur ne s’est point fermé au souffle divin du Beau !

« Mais, hélas, je crois que je suis en train de subir le sort de Jean Berny et que mes quelques cahiers d’essais littéraires, que j’ai rapportés ici, sont destinés à jaunir, à se racornir comme ceux où Berny laissa s’ensevelir définitivement ses espérances. Et pourtant, c’est un remords constant pour moi que ces livres et ces cahiers.

« Notre ami D. avait peut-être raison de me dire l’autre jour en partant

« — Prenez garde, Si Mahmoud, vous vous accoutumerez à notre vie, et, de lendemain en lendemain, voua remettrez toujours le travail littéraire… En fin de compte, ce lendemain ne viendra jamais. Ce n’est qu’une lâcheté pour apaiser les justes remords de la vocation qui se plaint… »

Isabelle Eberhardt ajoutait :

« Je vais cependant commencer quelques notes sur le Souf : Le pays est absolument inédit. »