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Page:Eberhardt - Dans l’ombre chaude de l’Islam, 1921.djvu/348

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notes sur isabelle eberhardt

algérienne, sous forme de nouvelles, des observations minutieuses de la vie indigène qui furent très remarquées. Ce fut la période la plus active de sa vie littéraire.

Au commencement de l’année 1904, elle voulut nous servir de guide et d’interprète dans la région de Figuig Elle nous accompagnait encore, sur un autre point du Maroc, dans le voyage que nous fîmes à Oudjda et sur la frontière.

Au mois de mai 1904, elle quittait Alger pour la dernière fois, après de longues hésitations. Elle annonçait à tous ses amis « qu’on ne la verrait pas toujours, qu’on ne la verrait peut-être plus » et elle souriait. Elle allait encore dans le Sud-Oranais, avec l’intention de pousser aussi loin qu’elle pourrait et autant que possible jusqu’au Tafilalet.

Elle nous laissait, en partant, ses papiers et sa correspondance.

« Au cas où il m’arriverait malheur, vous débrouillerez tout cela, nous disait-elle en plaisantant, et vous vous en servirez pour composer mon oraison funèbre. »

En toutes choses, même les plus sérieuses, elle affectait ainsi un ton ironique et bon enfant, un peu peuple, qui ne grossissait rien.

Elle avait aussi des mots de pitié russe :

« Il ne faut en vouloir à personne. Nous sommes tous des pauvres bougres, et ceux qui ne veulent pas nous comprendre sont encore plus pauvres que nous… »

Sa mort, annoncée dans une catastrophe, sembla donner un corps au malheur public et provoqua de vifs élans d’estime et de sympathie.