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coiffure. Des colliers de pièces d’or et de pâte aromatique durcie, de lourdes plaques d’argent ciselé couvrent leurs poitrines affaissées ; à chacun de leurs mouvements rares et lents, toutes ces parures et les bracelets à clous de leurs chevilles et de leurs poignets osseux, tintent.

Immobiles comme de vieilles idoles oubliées, elles regardent, à travers la fumée bleue de leurs cigarettes, passer les hommes qui n’ont plus un regard pour elles, les cavaliers, les cortèges de noces, les caravanes de chameaux ou de mulets, les vieillards caducs qui ont été leurs amants, jadis… tout ce mouvement de la vie qui ne les touche plus.

Leurs yeux ternes, démesurément agrandis par le « kehol » leurs joues fardées quand même, malgré les rides, leurs lèvres rougies, tout cet apparat jette comme une ombre sinistre sur ces vieux visages émaciés et édentés.

…Quand elles étaient jeunes, Saâdia, à la fine figure aquiline et bronzée, et Habiba, blanche et frêle, charmaient les loisirs des Bou-Saadi et des nomades.

Maintenant, riches, parées du produit de leur rapacité d’antan, elles contemplent en paix le décor chatoyant de la grande cité où le-Tell se rencontre avec le Sahara, où les races d’Afrique viennent se mêler. Et elles sourient… à la vie qui continue immuable et sans elles, ou à leurs souvenirs… qui sait ?