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sommeil et la putréfaction anonymes qu’il recelait.

Enfin, la femme se pencha sur la tombe béante. Quand elle se redressa, elle tenait une des mains du mort, coupée au poignet, une pauvre main roide et livide.

En hâte, la vieille remblaya le trou et replanta les palmes vertes. Puis, cachant la main dans sa mlahfa, elle reprit le chemin de la ville.

Alors, pâle, haletant, le spahi prit son fusil, l’arma, l’épaula.

Je l’arrêtai : — Pourquoi faire ? Est-ce que cela nous regarde ? Dieu est son juge !

— Oh, Seigneur, Seigneur, répétait le spahi épouvanté. Laisse-moi tuer l’ennemie de Dieu et de ses créatures !

— Dis-moi plutôt ce qu’elle peut bien vouloir faire de cette main !

— Ah, tu ne sais pas ! C’est une sorcière maudite. Avec la main du mort, elle va pétrir du pain. Puis elle le fera manger à quelque malheureux. Et celui qui a mangé du pain pétri avec une main de mort prise une nuit de vendredi par la pleine lune, son cœur se dessèche et meurt lentement. Il devient indifférent à tout et un rétrécissement de l’âme affreux s’empare de lui. Il dépérit et trépasse. Dieu nous préserve de ce maléfice !

Dans le rayonnement doux de la nuit, la vieille avait disparu, allant à son œuvre obscure.