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les femmes avec une nuance de respect dans la voix. Et elles font à l’étrangère une place près du feu.

Mère Kheïra répond par monosyllabes, et ses traits gardent leur inquiétante immobilité. L’eau trouble de ses yeux ne s’allume d’aucune lueur dans le bien-être soudain du gourbi tiède.

Le groupe devient plus compact. Elles sont cinq ou six qui entourent une femme d’une trentaine d’années, au profil dur sous la chechiya pointue des Oranaises. Chargée de bijoux, elle est vêtue plus proprement que les autres. Sa voix et ses manières sont impérieuses. C’est Bahtha, la femme du Caïd, vieux marabout bédouin, débonnaire et souriant.

Par des ordres brefs, l’épouse du caïd dirige les mouvements des femmes autour du foyer et des marmites.

Cependant pour la derouïcha Kheïra, la dame hautaine se fait plus avenante et plus douce. Ses lèvres arquées en un pli méchant se détendent en un sourire.

— Comment es-tu venue, par un temps si affreux, mère Kheïra, et d’où viens-tu ?

— De loin… Hier, j’ai lavé et habillé du linceul la fille d’El-Hadj ben Halima, dans le Maïne… Puis, à la nuit, je suis partie… Il fait froid… Louange à Dieu !