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Et Lalia, tremblante, vint, pour se réfugier dans les bras du taleb.

Toutes les nuits, comme sa mère dormait profondément, Lalia pouvait s’échapper. Enveloppée du burnous de son frère absent, elle venait furtivement rejoindre Si Abderrahmane au Sahel, parmi les touffes épaisses des lauriers-roses et les tamaris légers.

D’autres fois, les nuits de lune surtout, ils s’en allaient sur les coteaux de Chârir, dormir dans les liazir et le klyl parfumés, les grandes lavandes grises et les romarins sauvages… Ils éprouvaient, à se serrer l’un contre l’autre, dans l’insécurité et la fragilité de leur union, une joie mélancolique, une volupté presque amère qui leur arrachait parfois des larmes.

Pendant quelque temps, les deux amants jouirent de ce bonheur caché.

Puis, brutalement, la destinée y mit fin ; le père de Si Abderrahmane étant à l’agonie, le taleb dut rentrer en toute hâte à Tlemcen.

Le soir des adieux, Lalia eut d’abord une crise de désespoir et de sanglots. Puis, résignée, elle se calma. Mais elle mena son amant à une vieille petite fontaine tapissée de mousse, sous le rempart.