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Et cependant, Si Abderrahmane demeurait sombre et soucieux. Sa pensée nostalgique habitait Ténès, auprès de Lalia.

Cependant, il eut le courage de demeurer cinq ans dans ses fonctions de mouderrès. Quand son jeune frère Si Ali l’eut égalé en science et en mérites de toutes sortes, Si Abderrahmane se désista en sa faveur de sa charge. Il répudia sa femme et partit.

Il retrouverait Lalia et l’épouserait…

Ainsi, Si Abderrahmane raisonnait comme un petit enfant, oubliant que l’homme ne jouit jamais deux fois du même bonheur.

Et à Ténès, où il était arrivé comme en une patrie, le cœur bondissant de joie, Si Abderrahmane ne trouva de Lalia qu’une petite tombe grise, sous l’ombre grêle d’un eucalyptus, dans la vallée.

Lalia était morte, après avoir attendu le taleb dans les larmes plus de deux années.

Alors, Si Abderrahmane se vit sur le bord de l’abîme sans bornes, qui est le néant de toutes choses.

Il comprit l’inanité de notre vouloir et la folie funeste de notre cœur avide qui nous fait chercher la plus impossible des choses : le recommencement des heures mortes.