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el mêl (la fortune)… Vieille tradition de la vie pastorale nomade, déjà lointaine.

Sidi Bou Chakour était un grand vieillard mince, quoique robuste. Son visage ovale, d’une beauté vraiment arabe, était bronzé et éclairé par la flamme toujours vive de son regard : sous les sourcils blancs, l’œil noir du marabout brillait comme aux jours de sa jeunesse.

Quand Sidi Bou Chakour avait senti l’approche de la vieillesse, il avait congédié, sans querelles et sans dureté, ses deux plus jeunes femmes, gardant Aouda, sage et calme.

— L’homme vieux est comme le tronc d’un jeune arbre arrivant à la force de l’âge : il ne se courbe plus.

Le courant de la rivière que Dieu nous fait descendre, nous ne le remonterons plus jamais, et il ne sied pas à la créature vieillie d’essayer de se rajeunir. L’heure est venue pour moi, avait-il dit, de laisser de ce monde tout ce qui n’est pas strictement indispensable à la vie, et de me consacrer uniquement à l’adoration de Dieu le Très Haut, et à son service dans le bien et le sentier droit.

Mais les fellahs des Ouled Fakroun obligèrent leur marabout à ne pas abandonner tout à fait les affaires temporelles. Ils avaient en lui une grande confiance et, dans toutes les circonstances difficiles, allaient le consulter.