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gage d’affranchissement accessible à la femme. Elle ne voulait plus de la claustration domestique, elle voulait vivre au grand jour et elle n’avait point honte d’être ce qu’elle était. Cela lui semblait légitime et ne gênait pas son amour pour l’élu, car l’idée ne lui vint même jamais d’assimiler leurs ineffables ivresses à ce qu’elle appelait du mot sabir et cynique de « coummerce »…

Achoura aima Si Mohammed el Arbi. Pour lui, elle sut trouver des trésors de délicatesse d’une saveur un peu sauvage.

Jamais personne ne dormit sur le matelas de laine blanche réservé au chérif et aucun autre ne reposa sa tête sur le coussin brodé où Si Mohammed el Arbi reposa la sienne… Quand il devait venir, elle achetait chez les jardiniers « roumi » une moisson de fleurs odorantes et les semait sur les nattes, sur le lit, dans toute son humble chambre où, du décor habituel des orgies obligées, rien ne restait… Le taudis qui abritait d’ordinaire tant de brutales ivresses et de banales débauches devenait un délicieux, un mystérieux réduit d’amour.

Impérieuse, fantasque et dure envers les hommes, Achoura était, pour le chérif, douce et soumise sans passivité. Elle était heureuse de le servir, de s’humilier devant lui, et ses façons de maître très despotique lui plaisaient.