Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/517

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début même qu’elle devait être placée, afin d’aider à sortir de la difficulté.

Déjà, en 1753, le comte de Buffon, nous l’avons dit plus haut, imprimait qu’il croyait à « un dessein primitif et général qu’on peut suivre très-loin… sur lequel tout semble avoir été conçu. » (Histoire naturelle, tome IV, p. 379.)

« Est-il besoin d’un autre témoignage ? »

Nous avons abandonné longtemps le récit de la lutte ; il faut maintenant y revenir et en raconter les suites. L’écrit de Geoffroy Saint-Hilaire, on se le rappelle, est du 15 avril 1830. Tous les journaux s’en occupèrent aussitôt pour le défendre ou l’attaquer. Au mois de juin, la Révue encyclopédique traita la question, non sans sympathie pour Geoffroy. Elle déclara que cette lutte était européenne, et que l’intérêt qu’elle offrait dépassait le monde savant. Elle inséra in extenso un article du remarquable naturaliste, qui mérite d’être lu par tout le monde, parce que, en peu de pages, il expose nettement la question. On voit quelle passion les débats excitaient, puisque, le 19 juillet, jour où la fermentation politique était si vive, de tels esprits s’occupaient avec ardeur de cette question de science théorique si éloignée du jour présent.

Quoi qu’il puisse résulter de cette controverse, elle nous a révélé la situation intérieure de l’Académie des sciences de la France. Si ce désaccord n’a pas éclaté plus tôt, voici quelle paraît en être la raison. Autrefois, les séances de l’Académie étaient secrètes ; les membres seuls se réunissaient pour discuter sur leurs expériences et sur leurs aperçus. Peu à peu on voulut bien ouvrir la porte aux amis des sciences ; on ne put alors refuser l’entrée à tous les auditeurs qui se présentaient, et on se vit enfin en présence d’un public nombreux. Tous ceux qui connaissent le cours des choses de ce monde savent que toute discussion publique, qu’elle porte sur la religion, sur la politique ou sur les sciences, devient, tôt ou tard, un pur échange de mots. Les académiciens français, obéissant aux règles traditionnelles de la bonne compagnie, s’abstenaient de toute controverse vive portant sur le fond des choses ; on ne discutait pas sur les lectures ; les Mémoires étaient renvoyés à l’examen des commissions, et, tantôt l’un, tantôt l’autre avait l’honneur d’être inséré dans les