Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/101

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ne pas tant penser dans ce moment à ses travaux, et lui faisant espérer une prompte guérison. « Hélas ! dit-il, je ne suis pas sans patience, j’ai pour cela passé trop souvent par cet état et j’ai appris à souffrir et à me résigner. » Il était assis, revêtu de sa robe de chambre de flanelle blanche, avec sa couverture étendue et roulée sur ses genoux. « Je ne me coucherai pas, dit-il, je resterai ainsi toute la nuit dans mon fauteuil, car je n’ai pas de vrai sommeil. »

Le moment de me retirer était venu, il me tendit sa chère main et je partis.

Lorsque pour prendre mon manteau j’entrai en bas dans la pièce où se tenaient les domestiques, je trouvai Stadelmann tout abattu. Il me dit qu’il avait de grandes craintes pour son maître, car c’était un mauvais signe quand il se plaignait. Les pieds d’ailleurs étaient devenus tout d’un coup fort minces, et jusqu’alors ils avaient été un peu enflés. Il voulait aller le lendemain de grand matin chez le médecin pour lui faire connaître ces indices de mauvais augure ; j’essayai de le tranquilliser, mais il ne voulut pas abandonner ses inquiétudes.

* Lundi, 17 novembre 1823.

Je suis allé hier un instant chez Goethe. La présence de Humboldt et sa conversation semblent avoir exercé sur lui une influence favorable. Sa souffrance ne me semble pas seulement physique. Je crois bien plutôt que cette passion pour une jeune dame qui, l’été dernier, l’a saisi à Marienbad, passion qu’il veut combattre, doit être regardée comme la cause principale de sa maladie.