Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/147

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rait exigé les plus mûres réflexions. À peine avais-je parlé, déjà Ramberg commençait son dessin, et je fus obligé d’admirer la justesse avec laquelle il avait conçu le sujet. Je ne le cache pas, j’aimerais posséder quelques dessins de Ramberg. »

Nous parlâmes d’autres artistes qui composent avec légèreté et tombent dans la manière.

« La manière, dit Goethe, est toujours pressée et n’a aucune jouissance dans le travail. Mais le vrai et grand talent trouve son plus grand bonheur dans l’exécution. Roos ne se fatigue pas de dessiner constamment la barbe et la toison de ses chèvres et de ses moutons, et l’on voit au détail infini de ses œuvres qu’il a goûté pendant son travail la plus pure félicité, et qu’il ne pensait pas à finir. Aux talents médiocres l’art ne suffit pas par lui-même ; pendant l’exécution, ils ont toujours devant les yeux le gain qu’ils attendent de leur ouvrage terminé. Avec un but pareil et avec des idées aussi attachées à la terre, on ne fait rien de grand. »

Dimanche, 29 février 1824.

Je suis allé à midi chez Goethe, qui m’a invité à une promenade en voiture avant dîner. Je le trouvai à déjeuner, et je m’assis en face de lui, pour causer sur les travaux qui nous occupent et qui se rapportent à la nouvelle édition de ses œuvres. Je lui conseillai d’y comprendre les Dieux, les Héros et Wieland et les Lettres d’un Pasteur.

« De mon point de vue actuel, je ne peux juger ces productions de ma jeunesse, me dit-il. C’est à vous jeunes gens à décider. Cependant je ne veux pas dire de mal de ces commencements ; j’étais encore dans l’obs-