Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/190

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raient pas pensé à leurs productions poétiques. » — « Je ne veux pas chercher, dit Goethe, jusqu’à quel point vous avez raison, mais pour les autres genres de talent chez les femmes, j’ai toujours vu qu’ils cessaient avec le mariage. J’ai connu des jeunes filles qui dessinaient parfaitement, mais dès qu’elles devenaient épouses et mères, c’était fini, elles s’occupaient de leurs enfants et leur main ne touchait plus le crayon. — Cependant, reprit-il avec une grande vivacité, les femmes pourraient continuer autant qu’elles le veulent leurs poésies et leurs écrits, mais les hommes devraient bien ne pas écrire comme des femmes ! Voilà ce qui ne me plaît pas. Regardez un peu nos Revues, nos Almanachs, comme tout cela est faible et devient tous les jours plus faible encore ! Si on faisait paraître maintenant dans le Morgenblatt[1] un chapitre de Cellini, comme cela ressortirait ! Mais, dit-il gaiement, passons là-dessus et occupons-nous de notre énergique jeune fille de Halle[2] dont l’esprit viril nous introduit dans le monde serbe. Les poésies sont excellentes ! Il y en a dans le nombre quelques-unes qui se placent à côté du Cantique des Cantiques, et ce n’est pas là un petit éloge. J’ai terminé mon article sur ces poésies, et il est déjà imprimé. » En disant ces mots il me tendit les quatre premières feuilles d’une nouvelle livraison d’Art et Antiquité, où je trouvai cet article. « J’ai indiqué en peu de mots le caractère du motif de chaque poésie, et vous serez charmé de ces délicieux motifs. Rehbein n’est pas sans se connaître en poésie, au moins pour ce qui regarde le sujet, et il écoutera avec plaisir, si vous nous lisez ce passage. »

  1. Feuille du matin.
  2. Mademoiselle de Jacob. — Voir les Mélanges de Goethe.