Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/232

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des forces de premier ordre, vous la relèverez d’une façon incroyable et vous en ferez vraiment quelque chose de bon. Mais si une pièce inférieure est jouée par des artistes inférieurs, il n’est pas étonnant que l’effet soit absolument nul. Les acteurs de second ordre sont aussi très-utiles dans les grandes pièces. Ils sont ce que sont dans un tableau ces figures à demi éclairées qui rendent les plus précieux services, en faisant ressortir puissamment les figures placées en pleine lumière. »

Samedi, 16 avril 1825.

J’ai dîné chez Goethe avec d’Alton[1]. C’est tout à fait un homme dans le goût de Goethe, aussi ils sont au mieux. Il est dans sa science très-considérable, et Goethe ne perd pas une de ses paroles. Comme homme, il est aimable, spirituel, d’une grande facilité d’élocution, et les pensées jaillissent chez lui avec une abondance que l’on rencontre rarement ; on ne peut se rassasier de l’écouter. Goethe dans ses travaux a cherché toujours à embrasser l’ensemble de la nature ; aussi, devant un grand savant qui a consacré sa vie à une branche spéciale, il est inférieur. L’un est maître d’une richesse infinie de détails, l’autre a vécu davantage dans la contemplation des grandes lois générales. De là vient que Goethe, qui est toujours sur la voie d’une grande synthèse, mais à qui manque la confirmation de ses pressentiments par ignorance des faits, saisit avec passion toutes les occasions de lier des rapports avec les grands naturalistes.

  1. Naturaliste et antiquaire distingué, mort en 1840. Il avait vécu longtemps près de Weimar, à Tiefurt, où il étudia spécialement l’histoire naturelle du cheval. Parmi ses élèves à l’Université de Bonn, il a compté le prince Albert.