Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/242

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ploi harmonieux de toutes les forces. Le bras gauche, qui soutient l’arc, doit rester bien tendu sans bouger ; le droit, qui tire la corde, ne doit pas être moins fort ; les pieds, les cuisses, pour servir de base solide à la partie supérieure du corps, s’attachent avec énergie au sol ; l’œil, qui vise, les muscles du cou et de la nuque, tout est en activité et dans toute sa tension. Et puis, quelles émotions, quelle joie quand la flèche part, siffle et perce le but ! Je ne connais aucun exercice du corps comparable. »

« — Cela, dit Goethe, conviendrait à nos écoles de gymnastique, et je ne serais pas étonné si, dans vingt ans, nous avions en Allemagne d’excellents archers par milliers. Mais, avec une génération d’hommes mûrs il n’y a rien à faire, ni pour le corps, ni pour l’esprit, ni pour le goût, ni pour le caractère. Commencez adroitement par les écoles, et vous réussirez. »

« — Mais, dis-je, nos professeurs allemands de gymnastique ne connaissent pas le tir à l’arc. »

« — Eh bien, dit Goethe, que quelques écoles se réunissent et fassent venir de Flandre ou de Brabant un bon archer ; ou bien qu’ils envoient en Brabant quelques-uns de leurs meilleurs élèves, jeunes et bien faits, qui deviendront là-bas de bons archers et apprendront aussi comment on taille un arc et fabrique une flèche. Ils pourraient ensuite entrer dans les écoles comme professeurs temporaires et aller ainsi d’école en école. Je ne suis pas du tout opposé aux exercices gymnastiques en Allemagne, aussi j’ai eu d’autant plus de chagrin en voyant qu’on y a mêlé bien vite de la politique, de telle sorte que les autorités se sont vues forcées ou de les restreindre, ou de les défendre et de les suspendre. C’était jeter