Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/246

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un arc, mais le fendre, le schlachten, comme vous dites. »

« — Quand il se laisse fendre, certainement, c’est-à-dire quand les fibres sont assez grosses, mais les fibres de l’érable sont trop fines et trop entremêlées. »

« — Hum ! hum ! dit Goethe. Avec vos goûts d’archer vous êtes arrivé à de très-jolies connaissances, et à des connaissances vivantes, à celles que l’on n’obtient que par des moyens pratiques. C’est là toujours l’avantage d’une passion, elle nous fait pénétrer le fond des choses. Les recherches et les erreurs donnent aussi des enseignements : on connaît non-seulement la chose elle-même, mais tout ce qui la touche tout alentour. Que saurais-je moi-même sur les plantes, sur les couleurs, si j’avais reçu ma science toute faite et si je l’avais apprise par cœur ? Mais comme j’ai tout cherché et trouvé par moi-même, comme à l’occasion je me suis trompé, je peux dire que sur ces deux sujets j’ai quelques connaissances, et que j’en sais plus qu’il n’y en a sur le papier. Mais parlez-moi toujours de votre arc. J’ai vu des arcs écossais tout droits, et d’autres au contraire recourbés à leur extrémité ; lesquels tenez-vous pour les meilleurs ? »

« Je pense que la force du jet est plus grande dans les arcs à extrémités recourbées. Depuis que je sais comment on courbe les arcs, je courbe les miens ; ils lancent mieux et sont aussi plus jolis à l’œil. »

« — C’est par la chaleur, n’est-ce pas, dit Goethe, que l’on produit ces inflexions ? »

« — Par une chaleur humide. Je trempe mon arc dans l’eau bouillante à six ou huit pouces de profondeur, et après une heure, quand il est bien chaud, je l’intro-