Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/28

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c’est en ce qui concerne le héros. Le chrétien, Goethe ne l’admettait guère que comme une production sociale des plus artificielles, et Pascal lui paraissait effectivement un pur malade. Il était, de sa nature, antipathique à ceux « qui assombrissent en une vallée de misère le lumineux séjour de la terre de Dieu. » Mais le héros, Goethe l’admettait, le comprenait, et en Grèce et depuis la Grèce ; nul n’a parlé plus magnifiquement que lui de Napoléon, de Mirabeau, et n’est entré plus avant dans l’esprit de leur nature. Il était lui-même, dans son ordre, un héros.

Je ne crois pas qu’il y ait lieu à beaucoup de remarques sur ce qu’il dit des écrivains français de notre temps : Courier, Béranger, Mérimée, son favori à bon droit, et quelques autres dont il put s’exagérer parfois le mérite. Ce sont des jugements graduels, mobiles, et, pour ainsi dire, en fusion, qu’il donne en causant : aucun n’est définitif.

Mais à propos de ce qu’il dit de Victor Hugo, une remarque est à faire, provoquée par certaines critiques qu’on a adressées à sa mémoire. Il s’est introduit de nos jours une telle bassesse dans les jugements, et ceux qui s’en mêlent en sont le plus souvent si peu capables, que ces esprits serviles n’ont pu expliquer les jugements mélangés que Goethe a donnés sur les écrits de Victor Hugo, publiés en ce temps-là, que par un sentiment de rivalité jalouse et d’envie. Ne pas comprendre que Goethe, étant ce qu’il est, a dû juger Victor Hugo comme il le fait, c’est ne rien en-