Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/30

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sans vous en douter (on ne se doute jamais soi-même de ces choses-là), comme le classique M. Auger : que dis-je ? vous êtes cent fois pis. Le bon M. Auger avait une paille dans l’œil ; et vous, vous avez une poutre !

Pour la pleine intelligence des Entretiens, pour qu’on en ait bien présents à l’esprit le lieu, le cadre, toutes les circonstances, je demande à rappeler encore la manière dont Goethe vivait à Weimar en ces années. Weimar était un centre, mais un bien petit centre, et celui qui n’en sortit jamais et qui tenait pourtant à embrasser du regard l’univers, avait dû songer de bonne heure à tous les moyens d’entretenir et de renouveler autour de lui l’activité, le mouvement régulier dont il sentait le besoin, et qui, autrement, aurait pu lui faire un peu faute.

Il avait donc organisé sa vie avec ensemble, avec une suprême ordonnance. Très-occupé jusqu’à la fin de s’agrandir, de se perfectionner en tout, de faire de soi « une plus noble et plus complète créature, » il s’est arrangé pour avoir auprès de lui à qui parler en chacune des applications multiples qu’il varie d’un jour à l’autre. Il a sous la main et à sa portée, sans paraître y viser, des représentants des diverses branches d’études auxquelles il est constamment ouvert et attentif. Énumérons un peu : — Riemer, bibliothécaire, philologue, helléniste : avec lui, Goethe revoit ses ouvrages au point de vue de la langue et cause de littérature ancienne ; — Meyer, peintre, historien de l’art, continuateur et disciple de Winckelmann : avec lui Goethe causera peinture et se