Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/325

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avec lesquelles ils répondaient à tout le monde ; ils écrivaient ainsi des lettres par centaines, lettres qui toutes se ressemblaient, et qui toutes n’étaient que phrase pure[1]. Cela n’a jamais été dans ma nature. Lorsque je ne pouvais dire à quelqu’un rien de particulier, et qui lui fut bien approprié, j’aimais mieux ne pas répondre du tout. Je tenais pour indignes de moi des paroles superficielles, et voilà comment il s’est fait que je n’ai pu répondre à plus d’un homme estimable à qui j’aurais eu du plaisir à écrire. Vous voyez vous-même comment les choses se passent, et quels envois m’arrivent chaque jour de tous les coins, de toutes les extrémités, et vous devez avouer qu’il faudrait plus que la vie d’un seul homme pour répondre, ne fût-ce qu’à la légère. Cependant, pour Solger, j’en suis fâché ; c’est un homme tout à fait excellent, qui aurait plus que beaucoup d’autres mérité quelques mots d’amitié. »

Je parlai de la Nouvelle, que j’avais de nouveau lue et examinée chez moi. « Tout le commencement, dis-je, n’est rien qu’une exposition, mais chaque détail est gracieux en même temps que nécessaire, de sorte que l’on croit que cette partie du récit est présentée pour elle-même et non pour servir à préparer ce qui suit. » « Si telle est votre impression, me dit Goethe, je suis content. Mais cependant j’ai encore quelque chose à faire ; d’après les lois d’une bonne exposition, je dois dès le commencement faire paraître les maîtres des bêtes fauves. Quand la princesse et l’oncle passent à cheval à côté de la baraque, il faut que ces gens sortent et prient la princesse d’honorer leur baraque d’une visite. » — « Certainement,

  1. Voir la lettre à Zelter du 10 avril 1827.