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Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/348

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précurseur et ce qu’on peut accomplir quand on sait se servir utilement de ses travaux. »

Mercredi, 21 février 1827.

Diné chez Goethe. Il a beaucoup parlé et avec admiration sur Alexandre de Humboldt ; il a commencé à lire son ouvrage sur Cuba et la Colombie[1], et ses vues sur le projet de percement de l’isthme de Panama paraissaient avoir pour lui un intérêt tout spécial : « Humboldt, a-t-il dit, avec sa grande connaissance du sujet, a proposé d’autres points où l’on pourrait peut-être parvenir plus avantageusement au but, en se servant de quelques rivières qui coulent dans le golfe du Mexique. Tout cela est réservé à l’avenir et à un grand esprit d’entreprise. Mais ce qui est sûr, c’est que, si on réussit à percer un canal tel qu’il puisse donner passage du golfe du Mexique dans l’Océan Pacifique à des vaisseaux de toute charge et de toute grosseur, ce fait aura d’incalculables résultats et pour le monde civilisé et pour le monde non-civilisé. Je m’étonnerais bien que les États-Unis manquassent de se saisir d’une œuvre pareille. On pressent que ce jeune État, avec sa tendance décidée vers l’Ouest, aura aussi pris possession, dans trente ou quarante ans, des grandes parties de terre situées au delà des montagnes Rocheuses, et les aura peuplées. On pressent aussi bien que tout le long de cette côte de l’océan Pacifique, où la nature a déjà creusé les ports les plus vastes et les plus sûrs, se formeront peu à peu de très-importantes villes de commerce, qui seront les intermédiaires de grands échanges entre la Chine et l’Inde d’un côté et les États-

  1. Essai politique sur l’ile de Cuba. Paris, 1826.